AMNISTIE INTERNATIONALE
RAPPORT 2008
(MAROC)
La liberté d'expression, d'association et de réunion restait soumise à des restrictions et des personnes qui avaient formulé des critiques au sujet de la monarchie ou d'autres sujets considérés comme politiquement sensibles ont fait l'objet de poursuites pénales. Des défenseurs des droits humains, des journalistes, des membres de Justice et bienfaisance, un mouvement politique interdit, ainsi que des Sahraouis opposés à l'administration marocaine du Sahara occidental ont été arrêtés et inculpés. Plus d'une centaine de militants islamistes soupçonnés de préparation d'actes de terrorisme ou d'implication dans de telles activités ont été incarcérés. Les arrestations et les expulsions collectives de migrants se sont poursuivies. Les autorités ont maintenu un moratoire de facto sur les exécutions mais des condamnations à mort ont été prononcées. Cette année encore, des femmes ont été victimes de violences bien que les autorités aient lancé une campagne contre ces pratiques. Des hommes ont été emprisonnés pour homosexualité.
Contexte
En juin et en août, le gouvernement marocain et le Front Polisario – qui réclame la mise en place d'un État indépendant au Sahara occidental et a constitué un gouvernement en exil autoproclamé dans des camps de réfugiés du sud-ouest de l'Algérie – ont participé à des pourparlers de paix sous l'égide des Nations unies. Le Maroc a proposé un plan d'autonomie du territoire qu'il a annexé en 1975, tandis que le Front Polisario continuait de réclamer un référendum d'autodétermination conformément aux résolutions adoptées par les Nations unies.
Un policier a été tué et plusieurs personnes ont été blessées à la suite d'attentats-suicides, et le gouvernement a relevé le niveau d'alerte terroriste.
Défenseurs des droits humains
Plusieurs membres de l'Association marocaine des droits humains (AMDH) qui avaient participé à des manifestations pacifiques avec des slogans critiquant la monarchie ont été incarcérés et inculpés d'« atteinte à la monarchie ». Amnesty International les considérait comme des prisonniers d'opinion.
Cinq d'entre eux – Thami Khyati, Youssef Reggab, Oussama Ben Messaoud, Ahmed Al Kaateb et Rabii Raïssouni – ont été arrêtés à Ksar el Kebir après avoir manifesté contre le chômage, le 1er mai. Ils ont été condamnés à des peines de trois ans d'emprisonnement et à de lourdes amendes. À l'issue de la procédure d'appel engagée, leurs condamnations ont été portées à quatre ans d'emprisonnement. Deux autres hommes – Mehdi Berbouchi et Abderrahim Karrad –, arrêtés à Agadir pour les mêmes motifs, ont vu leurs peines de deux ans d'emprisonnement confirmées, le 26 juin, en appel.
Dix autres membres de l'AMDH qui avaient participé à un sit-in en solidarité avec les hommes emprisonnés ont été arrêtés le 5 juin à Beni Mellal. Mohamed Boughrine, soixante-douze ans, a été condamné à un an d'emprisonnement et trois autres hommes à des peines de prison avec sursis pour « atteinte à la monarchie ». La peine de Mohamed Boughrine a été augmentée par la cour d'appel à trois ans d'emprisonnement. Les neuf autres personnes ont toutes condamnées en appel à des peines d'un an de détention ; elles ont été laissées en liberté en attendant qu'il soit statué sur le recours formé devant une juridiction supérieure.
Trois autres membres de l'AMDH – Azzadin Almanjali, Badr Arafat et Mohamed Kamal Almareini – figuraient par ailleurs parmi 47 personnes, dont des enfants, arrêtées à l'issue de manifestations qui ont dégénéré en affrontements violents le 23 septembre, à Sefrou. Leur procès devait se tenir en 2008. Les prévenus, qui ont nié avoir eu recours à la violence, ont affirmé qu'ils avaient été arrêtés de manière arbitraire. Certains se sont plaints d'avoir été maltraités par la police au moment de leur interpellation et durant leur interrogatoire.
Restriction de la liberté de presse
Plusieurs journalistes ont été arrêtés et inculpés d'infractions pénales en raison d'articles considérés comme dangereux pour la sécurité nationale ou portant atteinte à la monarchie. Les autorités ont rédigé un nouveau projet de code de la presse qui, selon certaines sources, prévoyait des infractions passibles de peines d'emprisonnement.
Mustapha Hormatallah et Abderrahim Ariri, respectivement journaliste et directeur de l'hebdomadaire Al Watan al An, ont été arrêtés le 18 juillet après avoir publié une note interne des services de sécurité à propos du relèvement du niveau d'alerte terroriste. Ils ont été déclarés coupables en août de « recel de documents obtenus à l'aide d'un crime ». Abderrahim Ariri a été condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis et Mustapha Hormatallah à huit mois d'emprisonnement, ramenés à sept mois en appel. Ce dernier a été remis en liberté sous caution en septembre en attendant qu'il soit statué sur le recours qu'il a formé devant la Cour suprême.
Le 6 août, Ahmed Benchemsi, directeur des hebdomadaires Nichane et Tel Quel, a été inculpé en vertu de l'article 41 du Code de la presse d'« atteinte à la monarchie », une infraction passible d'une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. Il avait publié, le 4 août, un éditorial à propos d'un discours prononcé par le roi. Des exemplaires de Nichane ont été saisis. Ahmed Benchemsi est resté en liberté dans l'attente de son procès, qui devait se tenir en 2008.
Militants sahraouis
Plusieurs centaines de militants sahraouis, dont des mineurs, ont été arrêtés, soupçonnés d'avoir participé au cours de l'année et des années précédentes à des manifestations contre l'administration marocaine du Sahara occidental. Des dizaines d'entre eux se sont plaints d'avoir été torturés ou maltraités durant leur interrogatoire par les forces de sécurité. Plusieurs ont été jugés pour participation à des actions violentes ; d'autres ont été remis en liberté après avoir été interrogés. En mai, les forces de sécurité ont eu recours à la force pour disperser des manifestations en faveur de l'indépendance du Sahara occidental organisées par des étudiants sahraouis sur les campus universitaires de plusieurs villes. Des dizaines d'étudiants ont été arrêtés et beaucoup ont été battus. Sultana Khaya a perdu un œil, apparemment à la suite de coups. La plupart des étudiants ont été libérés sans inculpation, mais une vingtaine ont été condamnés à des peines allant jusqu'à un an d'emprisonnement pour avoir participé à des actions violentes. Comme les années précédentes, des défenseurs des droits humains sahraouis ont été harcelés.
En mars, Brahim Sabbar, secrétaire général de l'Association sahraouie des victimes des violations graves des droits humains commises par l'État du Maroc (ASVDH), et Ahmed Sbai, l'un de ses membres, ont été déclarés coupables d'appartenance à une organisation interdite et condamnés à un an d'emprisonnement. Leur peine a été portée à dix-huit mois à l'issue de la procédure d'appel. L'ASVDH n'avait pas pu être enregistrée auprès des autorités en raison d'obstacles administratifs de caractère politique. Mohamed Tahlil, responsable de l'ASVDH à Boujdour, a été condamné, en septembre, à deux ans et demi d'emprisonnement pour comportement violent. Sadik Boullahi, un autre membre de l'association, a passé quarante-huit heures en garde à vue au mois de novembre, avant d'être remis en liberté.
En octobre, le Collectif des défenseurs sahraouis des droits de l'homme (CODESA) a été contraint d'annuler son congrès fondateur, les autorités locales de Laayoune ayant refusé d'autoriser un rassemblement public. Elwali Amidane, membre du CODESA, avait été condamné, en avril, à cinq ans d'emprisonnement pour avoir participé à des manifestations contre l'administration marocaine du Sahara occidental.
Militants de Justice et bienfaisance
Des milliers de membres du groupe interdit Justice et bienfaisance auraient été interrogés par la police au cours de l'année. Au moins 267 ont été inculpés de participation à des réunions non autorisées et d'appartenance à une organisation interdite. Le procès de Nadia Yassine, porte-parole du groupe, inculpée en 2005 de diffamation envers la monarchie, a été reporté d'un an.
Rachid Gholam, membre de Justice et bienfaisance et chanteur religieux, a été déclaré coupable, en mai, d'incitation à la corruption morale et à la prostitution. Il a été condamné à un mois d'emprisonnement et à une amende. Cet homme s'est plaint lors de sa première comparution devant un juge d'avoir été battu et déshabillé par les policiers puis photographié en compagnie d'une prostituée.
Lutte contre le terrorisme
Plus d'une centaine de militants islamistes présumés ont été arrêtés, dans la majorité des cas par la police. Toutefois, des agents de la Direction de la surveillance du territoire (DST), un service de sécurité accusé les années précédentes de recourir à la torture et aux mauvais traitements, auraient participé à certaines interpellations. Parmi les personnes placées en détention, la plupart ont été inculpées ; certaines ont été jugées pour des actes de terrorisme et condamnées à des peines allant jusqu'à quinze ans d'emprisonnement.
Plusieurs centaines de militants islamistes condamnés et emprisonnés à la suite des attentats à l'explosif perpétrés à Casablanca en 2003 continuaient de réclamer un réexamen de leur procès. Beaucoup s'étaient plaints d'avoir été contraints de faire des « aveux » sous la torture, mais ces allégations n'avaient fait l'objet d'aucune enquête. Des détenus de la prison de Salé ont observé des grèves de la faim pour protester contre leurs conditions de détention, et notamment contre les mauvais traitements infligés par les gardiens et des agents des forces de sécurité extérieurs à l'établissement, les difficultés d'obtention de soins médicaux et les restrictions aux visites de leurs proches.
Réfugiés, demandeurs d'asile et migrants
Des milliers d'étrangers soupçonnés d'être des migrants clandestins, parmi lesquels figuraient des réfugiés et des demandeurs d'asile, ont été arrêtés et expulsés collectivement. Dans la plupart des cas, ils n'ont pas eu la possibilité d'interjeter appel de la décision d'expulsion ni de faire examiner les éléments l'ayant motivée, alors que ces droits sont garantis par la législation marocaine. Ils étaient souvent abandonnés à la frontière algérienne avec des quantités insuffisantes d'eau et de nourriture.
Dans la nuit du 30 au 31 juillet, deux migrants sénégalais – Aboubakr Sedjou et Siradjo Kébé – ont été tués et trois autres personnes ont été blessées par des policiers non loin de Laayoune, au Sahara occidental. Ils faisaient partie d'un groupe de plus de 30 migrants qui, selon les autorités, tentaient d'atteindre la côte pour se rendre aux Canaries et n'avaient pas obtempéré à l'ordre de s'arrêter. Les autorités ont annoncé l'ouverture d'une enquête sur ces homicides, mais les conclusions n'avaient pas été rendues publiques à la fin de l'année.
En mars, le Conseil consultatif des droits de l'homme (CCDH) a publié un rapport sur les migrants morts en 2005 à la frontière entre le Maroc et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Il recommandait aux autorités de mieux respecter leurs obligations internationales relatives aux droits humains, sans toutefois préconiser l'ouverture d'une enquête sur ces morts.
Violences et discrimination à l'égard des femmes
Le Code de la nationalité a été modifié, en avril, en vue de permettre aux Marocaines mariées à des étrangers de transmettre leur nationalité à leurs enfants.
En novembre, les autorités ont fait savoir que 82 p. cent des cas signalés de maltraitance de femmes se produisaient au sein du foyer. Elles ont annoncé le lancement d'une campagne visant à mettre fin aux violences contre les femmes.
Discrimination – emprisonnement pour homosexualité
Six hommes ont été condamnés à des peines d'emprisonnement dont certaines allaient jusqu'à dix mois pour « actes impudiques ou contre nature avec un individu de son sexe ». Aux termes de la législation marocaine, les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe constituent une infraction pénale, ce qui est contraire aux normes internationales relatives aux droits humains.
Justice de transition
Chargé d'assurer le suivi des travaux de l'Instance équité et réconciliation (IER), le CCDH a annoncé en août que 23 676 personnes avaient été indemnisées pour des atteintes aux droits humains commises sous le règne du roi Hassan II. L'IER, mise en place en 2004 pour enquêter sur les disparitions forcées et les détentions arbitraires, entre autres atteintes graves aux droits fondamentaux commises entre 1956 et 1999, a terminé ses travaux en 2005. Il n'y a eu aucune avancée sur deux questions : l'accès des victimes à la justice et l'obligation pour les auteurs présumés des violations de rendre des comptes. Ces deux points ne relevaient pas du mandat de l'Instance.
الجمعة، 30 مايو 2008
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